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lundi 18 février 2013

D'une obscure lumière








"II s'agit d'une immatérialisation qui secrète de soi-même sa propre lumière, une incandescence, comme l'impression d'une obscurité se transformant en lumière. C'est l'effet d'une transsubstantiation : la couleur est matérielle, elle est matière colorée, colorante, et cette matière produit quelque chose d'immatériel qui est la lumière. La métamorphose donc de la matière, de l'obscurité inhérente à la couleur et à sa maté­rialité, en lumière avec un sens de rayonnement spirituel."

Youssef Ishaghpour Rothko Une absence d'image:lumière de la couleur, farrago Éditions Léo Scheer 2003.



Photos Versus

jeudi 7 février 2013

Je n'ose dire...







Champrosay
Dimanche 15 Juillet 1849.


" J'écris à Peisse*, à propos de son article du 8.


 Je n'ose dire que tout ce que vous écrivez là est d'une grande justesse, parce que j'en recueille le bénéfice ; ce que vous dites de la couleur et du coloris ne s'est jamais dit beaucoup. La critique est comme bien des choses, elle se traîne sur ce qui a été dit et ne sort pas de l'ornière. Ce fameux beau que les uns voient dans la ligne serpentine, les autres dans la ligne droite, ils se sont obstinés à ne le jamais voir que dans les lignes. Je suis à ma fenêtre et je vois le plus beau paysage : l'idée d'une ligne ne me vient pas à esprit. L'alouette chante, la rivière réfléchit mille diamants, le feuillage murmure; où sont les lignes qui produisent ces charman­tes sensations? Ils ne veulent voir proportion, harmonie, qu'entre des lignes : le reste pour eux est chaos, et le compas seul est juge, pardonnez-moi ma verve critique contre mes critiques. Notez que je me mets humblement à l'abri des grands noms que vous citez, tout en leur faisant la part encore plus belle qu'on ne fait ordinairement. Oui, Rubens dessine, oui, Corrège dessine. Aucun de ces hommes-là n'est brouillé avec l'idéal. Sans idéal, il n'y a ni peinture, ni dessin, ni couleur ; et ce qu'il y a de pire que d'en manquer c' est d'avoir cet idéal d'emprunt que ces gens-là vont apprendre à l'école et qui ferait prendre en haine les modèles. Comme il y a plusieurs volumes à faire là-dessus, je m'arrête pour en revenir au plaisir que vous m'avez fait, etc. "

*Jean-Louis Peisse (1803-1880), médecin,écrivain, conservateur des collections de l’École des Beaux-Arts; il faisait de la critique d'art. Delacroix lui écrit pour le remercier d'un article élogieux qu'il avait publié dans la Constitutionnel sur les envois de Delacroix au Salon de 1849.

Eugène Delacroix JOURNAL 1822-1863 Les Mémorables, Plon éditeur 1980.