traduire/translate

mercredi 19 septembre 2012

L'écrin d'un boulevard






" Le soleil, doux dans le jardin, étincelait sur le boulevard; il plaquait la façade
blanche des maisons et retombait sur le sol en nappes chaudes. Les tentes des magasins, les trottoirs, les feuilles des platanes brûlaient. La terre immobile en face de ce foyer cruel en recevait tout le supplice. Les passants étaient un petit point sombre dans la blancheur.
(...)
















Les collines étaient vertes et mauves sous le ciel d'argent où quelques nuages s'attardaient; une herbe humide piquée de violettes suivait les murs ; un lilas pen­chait sa tête poudrée; au milieu des églan­tiers blancs un arbre de Judée mettait sa touffe rosé; ces couleurs étaient modestes et ils les comparaient à l'éblouissement de l'automne ; ils s'arrêtaient aussi à d'autres souvenirs.
(...)

La nature change avec les saisons les ap­pels et les tentations qu'elle nous adresse. C'est par les couleurs que l'automne nous transmet sa fièvre, sa tendresse et sa mort. Elle déploie, les premiers jours, devant nos yeux enchantés l'or taché de ses bois, le rouge de ses vignes, le fuseau de ses peu­pliers reflétés dans une eau pâlie et plus tard, lorsque les couleurs se brouillent en se décomposant, la magie de sa pourriture somptueuse. Et le vent d'octobre, cet étrange vent, l'anime et la courbe, et inscrit
d'une seule feuille brune, sur le ciel cou­chant, sa ligne agonisante. Cette agonie, a, néanmoins, plus d'ivresse que d'angoisse. Le printemps n'a pas de couleurs ou si pâles! Il nous obsède de son parfum, de son multiple, de son indéfini parfum ; le sucre du chèvrefeuille, la vanille du lilas, l'acide de l'églantier, l'encens de la violette, l'âcreté du pollen dispersé, et derrière une autre odeur encore, subtile comme une essence et compacte comme le miel, l'odeur du printemps adorable, l'odeur fade d'un ca­davre qui ne veut pas ressusciter."

Roger Couderc JUSTINE Gallimard 1933.


















EXTRAITS   DE   PRESSE ( Vraiment d'époque!)

C'est une bien simple histoire, mais qui, parmi trop de livres d'au­-
jourd'hui où l'artifice domine, fait entendre enfin une note humblement
humaine. 

   georges le cardonnel, Le Journal, 23-11-33.

L'art sobre de l'auteur est d'une pureté absolue, sa phrase est si limpide que l'eau en semble naturelle et avoir jailli sans effort. Tout y est mesuré : les images et les sentiments dans ce qu'ils ont d'essentiel,
le récit mené avec un tact infini
léo larguier, Les Annales, 24-11-33.


Justine est le premier roman que publie M. Roger Couderc. Il ne saurait passer inaperçu. Il est bien joliment écrit et finement pensé. On pense à un de ces travaux de tapisserie lentement mené, poussé à loisir, dans le calme séjour cadurcien...
Car M. Roger Couderc est encore plus poète que romancier. Il cerne d'un trait sûr les pensées secrètes les chagrins profonds, les élans passagers, la durable affection...
...C'est l'art même ; et le plus profond, le plus vrai. Livre sans uns faille, sans une défaillance et d'un charme exquis.
pierre descaves, L'Avenir, 28-11-33.


Ce roman vaporeux, transparent, léger, dépouillé, a de la grâce..
Il est une image, qui commence à pâlir, de la vie sentimentale en pro­-
vince, il y a un quart de siècle.    robert kemp, La Liberté.


Chez M. Roger Couderc, le  récit n'est pas seulement délicieux, il est mené avec une sûreté, avec une adresse qui sont d'un écrivain en pleine possession de son métier...
Du beau travail dont on n'aperçoit ni la lisière du drap ni la couture.
...Dans Justine, le lecteur prend, si l'on ose ainsi dire, une leçon de bonheur... quant à moi, je placerais l'exquis roman de M. Couderc dans ma bibliothèque entre un livre de Gérard de Nerval et un recueil de contes de Léon Lafarge. Il mérite cet honneur.
jean vignaud, Le Petit Parisien, 5-12-33


Ce roman porte l'émouvant parfum qui l'a vu naître, ce petit livre est une grande œuvre qui ne cherche pas à étonner par d'inutiles har­diesses, vite appelées à être démodées.
roland dorgelès, de l'Académie Goncourt, L'Intransigeant, 6-12-33.



nrf ACHETEZ CHEZ VOTRE LIBRAIRE

N. R. F.






Édition originale de Justine de Roger Couderc et le numéro 244 du 1er Janvier 1934 de La nouvelle Revue Française, collection Versus.
L'ensemble des photographies, copyright Versus.



samedi 1 septembre 2012

C'est le petit matin ( même l'après-midi.)







" Si on peint quelque chose en noir ou en blanc, cela lui donne une toute autre dimension. Le blanc et le noir m'ont conduite à des formes différentes : les tonalités, les poids sont différents. Pour travailler dans ces couleurs, il faut un certain état d'esprit et cela suffit car en fait, c'est exactement ce qui doit se passer dans le domaine de l'art visuel. Les formes doivent parler, les couleurs aussi. Parlons de la sculpture blanche, Dawn's Wedding Feast : c'est le petit matin, vous vous levez alors que l'aube pointe à peine. Lorsque vous avez dormi, que la ville elle aussi a dormi, vous avez une vision psychique de l'éveil, une vision céleste, presque entre le rêve et l'éveil. Le blanc invite à une activité plus intense, parce que le monde autour de vous est un peu endormi et que vous avez une sensibilité plus aiguë de ce que le jour va vous apporter.
Je trouve que la couleur blanche permet à quelque chose d'entrer, je ne sais pas s'il s'agit d'une certaine disposition d'esprit... probablement d'un peu plus de lumière, exactement telle qu'on la voit dans l'univers. Je trouvais que le blanc était plus une couleur de fête, que les formes étaient un peu plus parlantes ainsi. Pour moi, je ne sais trop pourquoi, le noir contient la silhouette, l'univers dans son essence mais il me semble que le blanc, lui, englobe, a toujours englobé, le noir lui-même, que c'est une couleur qui exprime plus de liberté, et non un état d'esprit. Le blanc se meut un petit peu dans le cosmos."


Louise Nevelson Arbres et Crépuscules, conversation avec Diana Mac Kown Des femmes .

Photo Versus 2012.