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mardi 30 novembre 2010

Un peu de raffut

"Je ne suis pas un adepte du scepticisme - même si cette gymnastique m' est de plus en plus familière - mais trop de réalités ennuyeuses nous assaillent dans une atmosphère devenue irrespirable, comme si le gaz de toutes les cuisines s' échappait en même temps. Ces réalités nous sont imposées par ce monde obsédé par la rentabilité et qui promet la grandeur par l' épargne. Les jeunes artistes d' aujourd'hui se taisent. On m' opposera que le peintre n' a nul besoin de prendre la parole, qu' il n'a qu' a peindre. J' aimerai pourtant entendre  un peu de raffut, un peu comme dans un restaurant lorsque le tintamarre provoqué par le plateau échappé des mains du serveur suscite chez les dîneurs de saines réactions de bonne humeur. Malheureusement le jour fracassant du grand fracas n' est pas encore d' actualité".

Eduardo Arroyo MINUTE   D' UN  TESTAMENT Grasset Editeur.

vendredi 26 novembre 2010

Chercher la face




Depuis mille et mille ans en effet
que le visage humain parle
et respire
on a encore comme l' impression
qu' il n'a pas encore commencé à
dire ce qu' il est et ce qu' il fait


Les traits du visage humain
tels qu' ils sont ; car tels
qu' ils sont ils n' ont pas
encore trouvé la forme qu' ils
indiquent  et désignent ;
et font plus que d' esquisser
mais du matin au soir
et au milieu de dix mille rêves
pilonnent comme dans le creuset  d'une palpitation
passionnelle jamais lassée.


Ce qui veut dire
que le visage humain
n' a pas encore trouvé sa face
(...)ce qui veut dire
que la face humaine
telle qu' elle est se cherche
encore avec deux yeux un nez une bouche
et les deux cavités auriculaires...




( Antonin Artaud, Le visage humain...publié par la Galerie Pierre à l' occasion de l' exposition des dessins du poète,juillet 1947 ).

mercredi 24 novembre 2010

Le noeud

Le logos est un déraillement monstrueux qui définit l' homme. Nous sommes désespérément pris dans un noeud qui ne pourra être dénoué que par la mort, selon Hebdomeros :"Il voyait d'ailleurs la vie comme un énorme noeud que la mort déliait; pourtant il considérait aussi la mort comme un noeud refait que la naissance déliait à son tour; le sommeil était pour lui le double noeud; le déliement complet du  noeud résidait selon lui dans l'éternité qui se situe en dehors de la vie et de la mort."

mardi 23 novembre 2010

L'homme-noeud

Le progrès laisse dans son sillage des sagesses perdues qui se referment sur nous comme un piège temporaire.Nous avons tendance à voir le processus de nouer et dénouer comme un accessoire nécessaire à l'action de penser: il est plus difficile de voir que la pensée elle-même est le piège.La sagesse est une stupidité.Le peintre et écrivain "métaphysique" Giorgio de Chirico(1888-1978) donne les spécialistes en exemple dans son livre Hebdomeros:"Dans tous ces faiseurs d'embarras de l'art et de la littérature, hommes au regard soupçonneux, dont la bouche n'a jamais ri avec franchise, Hebdomeros sentait quelque chose de lié :il sentait qu'un noeud les empêchait de mouvoir librement les bras et les jambes, de courir, de grimper, de sauter, de nager et de plonger, de raconter quelque chose avec esprit, d'écrire et de peindre, en un mot de comprendre.Et souvent, chez beaucoup de gens, même parmi ceux qui jouissaient dans la foule de leur semblables d'une réputation d'intelligence, il voyait le noeud et l'impossibilité de le comprendre;c'est pourquoi le noeud était pour Hebdomeros un signe infiniment plus profond et inquiétant que le signe ithyphallique ou celui de l'ancre et de la hache à double tranchant. Les hommes-noeuds,comme il les appelait, étaient pour Hebdomeros le symbole vivant et déambulant de la bêtise humaine."

mardi 16 novembre 2010

La brève rive des rêves

l'oeil irise la frise
des berges d'herbes


l'oeil hybride la fraise
des brises vives


l'oeil arrose la fraîche
serge des limbes


l'oeil hydrate
la brêche rèche des lèvres


l'oeil abrite 
la braise riche des livres


l'oeil arbitre
la brève rive des rêves.





                                                 La messe est dite

Le diriez-vous ?

Etrange espace de poisse et de poigne

Où tout coule autour

C'est la branlée du voir !

                                   Comment dire

Le rire est derrière nous ?

La frise et la frime de l'art

A la crête de nos choix

Avec ce plein au dedans de soi

Aboie le monde

Aboie la voix

Aboie...

                                  Etre sûr de son fait

Etrange pâture 

des rêts

Conflictuelles airelles du givre

Le causse hachuré de gris

Cérébral en un mot

De terre berge.

                                           Pierres,

Pinacle des yeux

Pigments des balivernes

anciennes voix jetées

qui raillent et rient

le regard dans la pensée.

                                      Ouverte,

cette vaste salve née d' hier

occupe la patrie de nos arrières

alors que s'ouvre sur le devant

une croupière taillée de sang !

                                            Salve à nouveau,

la course se veut altière

encore une fois et encore une fois

par le menu

la monnaie nous est transmise

la monnaie parlante et aurifère

parchemin miné

                                    Piquée des balles de l' hiver

la joue se tend à casser

dans la blancheur fermée

du reflux des huîtres perlières.



 Atteindre mais oui atteindre la brève rive des rêves !


                       

                                   ALORS REVES


Alors rêves  


Alors                            Rêves


..............................                              .........................................






               La vie rêvée des rêves

Les messages s'ensuivent ici, après les rêves..
.
Avancer plus avant pour toucher, qui sait, un autre rêve ?

Patrick S.


Où donc trouver ce pays d'une vie de rêve ?

J'en ai trouvé la trace au PAYS DU BORD DES LEVRES !

Extraits de" Dans la lumière inachevée " Pierre Dhainaut, Mercure de France Editeur.1996.


Le secret du rivage, il s'ouvre à ceux qui s' ouvrent

Pas une phrase n'a tenu. Sur la digue,
impartiale, l'étendue te démasque.

Venir jusqu'ici, nous réconcilier.

L'effort jamais ne se change en offrande;
Et le souffle t'échappe, l'espace
que tu t' en va grossir.


La voix se voulait claire, affectueuse.

Obscure, évidemment ta nuit ne l' était pas.
Tu n'as pas dit les poings si las, les poings crispés,
les mots impuissants, les murs qui suintent.

La voix portant le jour vers son silence
sans déchirures, sans prendre fin.

Tu le désires. Tu n'a pas dit le corps ni le visage
que la terre avilit, l'étau, l'irrépressible.



Devant la mer personne n'est de trop.

L'extrémité. L'extrémité repousse. Absorbe.

En se répercutant la houle incendiera l'espace.


Quant aux mouettes, ailes grises, l'écume et le ciel gris,
leurs cris ne découpent qu'un cercle.

Les profondeurs sont calmes.

Cette eau poignante, noyant la poitrine.


Venir jusqu'ici, affermir les souffles.

En quoi serais-tu l'exception ? La voix se défigure.
Plus rien ne s'accroche à ses mots.

Une autre la soulève, comme une vague
renaissant de la vague, gagnant de proche en proche.

Tu verras la clarté s'évanouir seconde après seconde.
La mer à marée basse nous déserte.

Aucun reflux pour la voix qui écoute.(.....)

 

mercredi 10 novembre 2010

Une mystique nue

-Voulez-vous me parler du modernisme ?

-Sur un fond d'inquiétude et d'appréhension les machines et les objets manufacturés qui sont leurs fruits,les mannequins qui choisissent leur dieu parmi les hommes, les murs qui usent les mots en les agrandissant au point de créer avec eux de nouveaux paysages, les trains perdus, etc...Mais voyez-vous tout cela n'est que prétexte à images et à métaphores. Ayant décidé d'écrire comme je parle,vous comprenez  maintenant pourquoi je ne veux rien en dire.
          Pourtant, après la lecture "d'A Rebours", l'invitation de Barbey d'Aurevilly à Huysmans :
          "Il faut choisir entre le canon du revolver et les pieds de la croix " semble n'être pas tombée dans l'oreille de sourds. De tous côtés on crie à ceux qui pourtant n'ont pas caché l'échec de leur tentative : "Pourquoi vous obstiner ? N'écrivez plus de livres semblables.  Où allez-vous ? Vous  verrez, mauvaise tête, où cela vous mènera. "Dites bien à ceux-là qu'ils se détrompent et qu'ils se rassurent. Nous connaissons assez  la  manière pour ne pas reconnaître ces agents provocateurs à leur malice. Bons apôtres ! Ils n' hésitent pas à  nous offrir une planche de salut. Cela s'appelle " du relativisme dans l'art ". Mais demandez-en la définition ? On vous répondra : " l'esprit renonçant à rechercher les causes finales des choses,etc..." Qu'on nous pardonne l'indiscrétion, mais cela ressemble étrangement au Positivisme d' Auguste Comte.
              - Alors quelle fin choisirez-vous ?
              - Je ne veux pas préjuger de moi-même. Je crois qu'en s'exprimant et en exprimant l' inconscient on a révélé qu'au-dessus de la personnalité  il  y avait quelque chose d'inexprimable et d' irrévélé. Je désire aujourd'hui, s'il se peut, atteindre jusqu'à ce MOI. Pour le moment il me suffit d'en avoir conscience et de pressentir que j'aboutirais à un résultat illogique, à une MYSTIQUE NUE.


Vidrac, par Roger Vitrac,1923.
In Roger Vitrac, Champ de Bataille , Rougerie Editeur.    
           

jeudi 4 novembre 2010

Tu as bien fait de partir,Arthur Rimbaud !

Tes dix-huit ans réfractaires à l'amitié,à la malveillance,à la sottise des poètes de Paris ainsi qu'au ronronnement d'abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle,tu as bien fait de les éparpiller aux vent du large,de les jeter sous le couteau de  leur précoce guillotine.Tu as eu raison d'abandonner le boulevard des paresseux,les estaminets des pisse-lyres,pour l'enfer des bêtes,pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l'âme,ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater,oui,c'est bien là la vie d'un homme ! On ne peut pas,au sortir de l'enfance,indéfiniment étrangler son prochain.Si les volcans changent peu de place,leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.
Tu as bien fait de partir,Arthur Rimbaud ! Nous sommes quelques uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.

René Char,1947.  

mardi 2 novembre 2010

La région des fêtes nocturnes

Elle avait ses limites et ses frontières,ses lois et ses statuts,et c'est tout juste si les douaniers pleins de zèle ne veillaient à ses portes pour vous demander si vous n'aviez rien à déclarer.Au bord de cette ineffable région le trafic de la grande ville s'arrêtait;c'était là que le mouvement convulsif des véhicules,le va- et- vient des piétons affairés venaient enfin mourir comme l'onde meurt sur la plage.Le bonheur a ses droits,voilà ce qu'en lettres lumineuses on voyait écrit sur la porte principale construite au milieu d'un vaste arc de triomphe sur lequel des femmes sculptées dans le bois et peintes de couleurs douces et éclatantes soufflaient comme des tritons têtus dans les clairons longs de la renommée.Les forteresses qui s'érigeaient à côté,les asiles de ceux que la fortune néglige mais que la gratitude et la bonté des hommes n'oublient pas,veillaient seuls dans l'ombre;leurs voûtes solennelles se taisaient dans la paix profonde qu'exige le repos;l'heure était avancée dans la nuit obscure;le monde dormait enseveli dans une immense tranquillité,et,tout comme lui,la tempête qui agitait le coeur troublé d'Hebdomeros,semblait enfin apaisée.

Giorgio De Chirico.